Pourquoi la normalisation est-elle critique pour la spécification du système d’information usine ?

La qualité de la communication entre les acteurs du cycle de vie d’une usine peut être significativement améliorée en utilisant des normes lors des échanges de données générées dans les multiples applications mises en œuvre.

Nous allons dans cet article souligner le double intérêt de notre point de vue des bibliothèques de données de référence au sens développé dans la norme ISO 15926, norme pour l’intégration des données dans le cycle de vie des usines de procédé.

Contexte

Les Systèmes d’Information enregistrent des faits sur une usine pendant les différentes phases de son cycle de vie de façon à en faciliter l’accès, l’interprétation et l’utilisation dans un contexte qui n’est pas toujours connu a priori.

Ces faits résultent d’activités de conception générale, de conception détaillée, d’approvisionnement, d’inspection, de montages, d’essais, d’exploitation, de maintenance et de démantèlement d’une usine. Ils sont exprimés dans des documents textuels et graphiques. Ces documents sont édités sous forme numérique et stockés dans des bases de données. Leur exploitabilité est directement liée à la mise en œuvre de normes pour le contrôle de l’interprétation des données échangées.

Les bibliothèques de données de référence ou normes externes d’interprétation des données échangées

Pour que les acteurs échangent l’expression de faits relatifs à une usine de façon durablement économique, ils doivent faire appel à des systèmes formels de référence explicitant les normes d’interprétation de ces expressions.

Les bibliothèques de données de référence, ou Reference Data Libraries (RDL), ont ce rôle de normes permettant de contrôler l’interprétation des données échangées . Elles permettent aussi de faciliter l’automatisation de l’alimentation des applications cibles. L’élaboration de bibliothèques de données de référence est une priorité pour les industriels. Il convient donc de concevoir et mettre en œuvre une instrumentation qui va permettre aux acteurs d’interpréter correctement les expressions échangées.

Il s’agit donc d’intégrer au sein du système d’informations décrivant une usine en phase projet ou en exploitation, les référentiels externes et les liens entre les applications du système d’informations et ces référentiels. Ce sont par exemple les équivalences entre les termes employés dans une application pour désigner un équipement ou une de ses propriétés et ceux d’une norme externe.

Pour traiter les cas d’utilisation concrets, cette instrumentation est à compléter afin d’aider les utilisateurs à apprécier les similitudes et les différences entre les objets qu’ils décrivent et ce que proposent les normes de référence. Par exemple, pour une pompe de refroidissement d’un réacteur nucléaire on cherchera ce qui est similaire et ce qui est différent avec une pompe conventionnelle. En pratique cela conduit à positionner de nouvelles classes de pompes et/ou de nouvelles propriétés de ces pompes compte tenu du cas d’utilisation. L’ajout de ces éléments peut conduire à la proposition d’une évolution de la norme de référence.

L’instrumentation de contrôle de l’interprétation des données doit donc aussi prévoir les moyens de positionner les nouveaux éléments nécessaires pour satisfaire les besoins de nouveaux cas d’usage.

Le projet d’une bibliothèque de données de référence d’un domaine industriel donné se traduira par des instruments pour :

  • d’une part, alimenter ou faire correspondre les dictionnaires de données des applications utilisées par les acteurs avec les produits et propriétés de référence,
  • d’autre part, permettre l’extension des bibliothèques de données de référence en tant que de besoin.

L’élaboration et la maintenance de bibliothèques de données de référence représentent un effort indispensable pour contrôler l’interprétation et l’utilisation des données échangées entre les applications mises en œuvre pendant tout le cycle de vie. Les bibliothèques servent aussi à positionner tout nouvel élément de référence nécessaire pour une usine particulière. Cet effort est d’un point de vue économique comparable, voire inférieur, aux dépenses faites pour résoudre les défauts d’interopérabilité sur un premier projet. Il est en revanche plus pérenne et produira des bénéfices durables et croissants d’une part pendant le cycle de vie de l’usine et d’autre part d’un projet à l’autre en comparaison d’une situation où les sources de défauts d’interopérabilité se développent et produisent des effets adverses de plus en plus coûteux à traiter.

Les instruments économiques et financiers permettent de démontrer l’intérêt de l’approche préconisée ici.

L’ISO 15926 et le concept de bibliothèque de données de référence

La norme ISO 15926 introduit le concept de bibliothèque de données de référence et prescrit le mode de construction et de maintenance de ces bibliothèques de telle façon que leur structure réponde à des règles de logique formelle. Les faits exprimés selon ces normes de référence peuvent faire l’objet de traitement automatique, ce qui est de plus en plus nécessaire compte tenu de la croissance des volumes de données produits pendant tout le cycle de vie d’une usine aujourd’hui.

La mise en œuvre de bibliothèques de données de référence est une façon de garantir au mieux que la sémantique exprimée par les métiers dans les différents domaines et dans les différentes phases du cycle de vie de l’usine soit traduite dans une syntaxe qui permettra le traitement automatique par la machine des expressions décrivant les faits concernant l’usine.

Les langages du web sémantique sont à présent utilisés par un grand nombre de standards métiers et permettent ainsi d’envisager un traitement automatique, avec des instruments communs, en faisant référence à des normes et à des modèles métiers différents.

C’est au maître d’ouvrage/propriétaire de l’usine de veiller à ce que chaque acteur du cycle de vie utilise et fasse connaître les normes qu’il met en œuvre lors de la communication des données qu’il édite pour les partager. En effet, outre l’intérêt financier de la mise en œuvre de la normalisation, le maître d’ouvrage a la responsabilité de l’archivage des données. L’archivage signifie la lisibilité et le contrôle de l’interprétation des données pour traiter au mieux les cas d’utilisation qui se présenteront à l’avenir pendant toute la durée de vie de l’usine et que l’on ne peut pas prescrire de façon exhaustive a priori.

Lignes d’actions

Plusieurs pistes d’amélioration concrètes sont à portée de la main. Nous pensons qu’il est essentiel de se placer dans un cadre d’usage opérationnel pour voir comment les applications en jeu vont s’appuyer sur des données de référence externes. Les normes disponibles sont un point de départ pour la constitution des catalogues à intégrer dans les applications. C’est leur usage qui donnera aussi aux industriels les opportunités concrètes de proposer des évolutions de ces normes au fur et à mesure des besoins détectés.

Les technologies sont aussi disponibles et ont déjà fait l’objet d’applications industrielles. Ce domaine est dynamique et de nouvelles possibilités de plus en plus performantes apparaîtront très probablement à court et moyen terme. Les efforts de rigueur dans l’expression de la sémantique des modèles seront la meilleure garantie de retour sur investissement quels que soient les évolutions technologiques à venir.

Enfin une telle approche ne peut être seulement intellectuelle et technique ; elle est à construire avec les acteurs d’un projet en prenant en compte leurs contraintes et en analysant soigneusement les impacts sur les processus de bout en bout.

La spécification et le déploiement d’un système d’informations s’appuyant sur des normes externes est un véritable projet industriel collaboratif et c’est en l’animant par un effort homogène aux niveaux technologies, expression des connaissances métiers et organisations mobilisées qu’un industriel aura les meilleures garanties de réaliser les forts retours sur investissement que l’on peut en attendre.

Vos commentaires et interrogations sont bienvenues. Nous aborderons dans de prochains articles les différentes facettes des bénéfices de la normalisation dans les transitions numériques en cours dans l’industrie.

Pourquoi la normalisation est-elle critique pour la spécification du système d’information usine ?